Réviser les façons d'habiter le territoire ?
09h – Accueil café
09h30 – Ouvertures introductives
- Fabien Ducasse, directeur régional de la Banque des Territoires
- Paul-Antoine Bisgambiglia, Nathalie Lameta, Graziella Luisi, responsables scientifiques de la chaire Mutations et Innovations Territoriales
09h45 – Conférence de Sébastien Maire, délégué général de France Villes et Territoires Durables
10h30 – Table ronde
- Sylvia Ghipponi, présidente de l’ordre des architectes de Corse
- Sébastien Maire, délégué général de France Villes et Territoires Durables
- Julien Paolini, président de l’Agence d’Urbanisme et d’Énergie de la Corse
- Thierry Antoine-Santoni, enseignant-chercheur à l’université de Corse
- Jérôme Terrier, directeur général des services de la ville de Bastia
- Anne-Eleonore Paquier, Bureau de recherche géologique et minière
12h15 – moment de convivialité autour d’un buffet
La présentation introductive a permis de nous situer, en tant que société, dans un ensemble plus grand : l'Anthropocène. Cette ère géologique a débuté dès lors que les actions de l'Homme ont eu un impact identifiable et durable sur la planète. Le changement climatique en est l'une des expressions, mais ce n'est pas la seule. Il existe en réalité 9 limites planétaires, c'est à dire 9 dimensions sur laquelle les activités humaines sont identifiables, mesurables mais aussi susceptibles de menacer la survie même de l'humain en tant qu'espèce : tensions sur la ressource en eau, la qualité des sols, pollutions multiples, les émissions de gaz à effet de serre, diminution inquiétante de la biodiversité (on parle de troisième extinction de masse)... Sept des limites ont aujourd'hui ont été dépassées. Si le constat est alarmant, il n'est pourtant pas fataliste : la plupart de ces limites planétaires qui ont aujourd'hui été dépassées pourraient être de nouveau respectées. Ca a été le cas du trou dans la couche d'Ozone dans les années 1980-1990 dont la prise en compte internationale, et sans tergiversation, a permis la résorption significative dans les années qui ont suivi. Respecter ces limites, prendre en compte le fait que nous vivons dans un monde fini aux ressources limitées, impose une mutation culturelle de taille : remettre l'économie à sa place, entre un plancher social (ensemble des besoins essentiels au bien vivre des population) et un plafond environnemental (ensemble des critères permettant de garantir des conditions optimales pour la survie de l'homme sur Terre).
Comment ce constat se traduit-il en Corse ? Quelles perspectives ouvre-t-il ?
Les risques évoqués et liés à l'anthropocène lors de la table ronde ont été ceux de l'érosion du littoral, de la submersion marine, de la salinisation des nappes phréatiques, du ruissellement et des crues... risques qui sont susceptibles d'impacter de manière marquée le littoral insulaire alors même que c'est l'une des zones les plus dynamiques sur le plan démographique. Serait on en train de construire là où ce ne sera plus vivable dans quelques années ? Car aux risques gravitaires liés à l'eau, s'ajoutent ceux lié à l'augmentation des températures estivales qui pourraient être à termes invivables.
Certaines solutions sont déjà connues en ce qui concerne l'aménagement des villes et des territoires et leur gestion, et elles gagneraient à être combinées :
- Prendre conscience des transformations actuelles et à venir et les anticiper :
- Les expressions de l'anthropocène vont rendre certains territoires invivables : manque d'eau, risque de crue ou de submersion marine, pollutions (eau, air, sol) sont autant de limites qui peuvent aujourd'hui être mesurées et doivent être prises en compte par les élus locaux et régionaux dans leur planification du territoire. L'enjeu est désormais d'agir là ce sera encore vivable demain.
- L'une des actions consiste pour certaines communes d'opérer un "repli stratégique". Il est nécessaire de planifier ce repli et non d'opérer dans l'urgence comme c'est le cas aujourd'hui.
- Faire avec l'existant :
- La majorité du parc immobilier d'aujourd'hui sera celui de demain. L'enjeu serait
- de rénover les batiments ce qui nécessite que le secteur du BTP connaisse une transition de la construction neuve dont le potentiel diminue à la rénovation.
- d'aménager les territoires pour redonner leur "pouvoir magique" aux sols, c'est à dire leur redonner leur capacité à absorber les excédents d'eau et à les restituer aux nappes phréatiques. Cela passe par la désimperméabilisation des surfaces.
- Une partie des opportunités de logement sont dans les villages, dans l'intérieur des terres. C'est là aussi que certains peuvent trouver une qualité de vie différente, une quiétude et une sociabilité plus importantes que dans les villes. C'est peut-être là où il fera bon vivre dans quelques années, malgré les contraintes liées à la proximité des services et à la mobilité.
- Faire avec l'existant c'est aussi traiter de front une question lancinante, celle du beau et le laid : s'adapter au monde de demain, c'est aussi planifier la transition énergétique, penser à une échelle différente la gestion de l'eau ou des déchets, accepter la densification de l'habitat parfois et donc accepter aussi une évolution de notre paysage quotidien. Le cadre à penser est celui de l'intégration paysagère, c'est à dire de réfléchir ces transformations majeures dans la continuité de ce qui fait l'identité du territoire.
- La majorité du parc immobilier d'aujourd'hui sera celui de demain. L'enjeu serait
- Le numérique et les nouvelles technologiques peuvent avoir un rôle à jouer, sous réserve de raisonner leur utilisation. Ces procédés qui gagnent en popularité avec l'affirmation de l'intelligence artificielle ont aussi un fort impact sur l'environnement et le changement climatique, car ils reposent sur le stockage de données massives qui nécessitent foncier et énergie. Cette ambivalence rend nécessaire de réfléchir aux usages pertinents des technologies, et donc d'opérer un arbitrage.
Face à l'avénement de ces risques complexes, systémiques, et en considération des perspectives qui s'annoncent qu'elles soient climatiques, sociales ou économiques, se pose ainsi la question des complémentarités entre littoral et intérieur de l'île, entre zones de plaine et montagne. La gestion réussie des ressources naturelles, en premier lieu de l'eau et des sols, repose effectivement sur une considération de l'île dans sa globalité, des plus hauts sommets jusqu'aux plaines. La revitalisation des villages de l'intérieur, dans les promesses qu'elle offre en termes d'habitat et de qualité de vie, mais aussi d'entretien régénératif des espaces, des sols et des végétaux, et donc de meilleur équilibre dans la circulation de l'eau, apparait comme une nécessité qui s'imposera peut-être à nous dans les années à venir.
Finalement, à l'échelle nationale ou à l'échelle régionale, s'adapter au changement climatique constitue un défi de taille. C'est également une opportunité en Corse pour repenser notre modèle de développement et trouver collectivement les clés d'un bien vivre dans le respect des populations et de la nature. La chance dont fait preuve aujourd'hui la société insulaire, malgré ses paradoxes, est de bénéficier, encore aujourd'hui d'un fondement culturel dont le bon sens, l'attachement au village notamment pourraient être ravivés au bénéfice de tous. Reste aux habitants et aux élus de s'en saisir collectivement pour imaginer un futur commun souhaitable .
Pour aller plus loin :
- Le support de présentation de Sébastien Maire
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L’association France ville et territoires durables et son manifeste
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Ouvrages et publications :
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Will Steffen et al., 2015. The trajectory of the Anthropocene : the great acceleration.
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L'étude du CEREMA sur le recul du trait de côte à court, moyen et long terme
- Marie-Monique Robin - Vive les microbes !
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Philippe Bihouix et Vincent Perrot, Ressources : un défi pour l'humanité
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Les numéros spéciaux d'intercommunalités de France
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Le rapport et les fiches actions du Shift Project : "Climat. crises : transformer nos territoires"
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Sur la théorie du Donut :
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Evénements liés :
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- Exemple de documents stratégiques :